Δευτέρα 30 Αυγούστου 2010

JEAN MABIR: MURIR A BERLIN




I.
Engagés sur le front de Poméranie, dès leur débarquement des convois ferroviaires en gare de Hammerstein, à partir du 21 février 1945, les SS français de la division Charlemagne ont été lancés dans la bataille par unités isolées, de la force d'un bataillon ou même d'une compagnie. Ils se sont trouvés à la charnière de l'attaque de deux armées soviétiques vers l'Oder et vers la Baltique. Sans soutien d'aviation ni d'artillerie, sans chars, sans appuis, sans liaisons, ils ont subi dès leur baptême du feu des pertes sérieuses mais ont quand même réussi à retarder de quelques heures, à Bârenwald et à Elsenau, la ruée de l'Armée rouge.
A Neustettin, un bataillon de marche français improvisé a assuré l'ultime défense de la ville, tandis que le gros de la division poursuivait sa longue marche vers la région de Belgard et Korlin.
Le Brigadefiihrer Krukenberg, général-inspecteur de la division, a pris le commandement et a réussi à reformer un régiment de marche et un régiment de réserve, à deux bataillons d'environ un demi-millier d'hommes chacun.
Dans la soirée du 4 mars 1945, après de durs combats retardateurs, la division Charlemagne reçoit du groupe d'armées de la Vistule, que commande le Reischsfùhrer SS Heinrich Himmler en personne, l'ordre de rejoindre Greifenberg, non loin des rives de l'Oder.
De toutes les unités françaises engagées en Poméranie, un seul bataillon réussira à se sortir, au complet et en ordre, du piège de korlin. Un demi-millier d'hommes sur les cinq mille lancés dans la  bataille.....Mais dans (eue défaite, qui a souvent tourné à la déroute, quelques centaines de combattants, en majorité anciens de  la Sturm brigade Frankreich, ont tenté et réussi l'impossible.     
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Dans la nuit du 4 au 5 mars 1945, le bataillon de marche de l'Obersturmfùhrer Fernet, avec qui se trouve toujours Krukenberg, est arrivé à l'ouest de Belgard où se déroulent encore de durs combats. 'Les SS français, sans s'attarder, poursuivent rapidement leur progression, selon un axe de marche du nord-ouest au sud-est. Ils dépassent le village de Denzin, puis se dirigent vers la bourgade de Boissin, qui se trouve de l'autre côté de la Persante, à un carrefour de routes.
Le Hauptsturmfiihrer allemand Jauss, qui marche en tête avec son camarade Fernet, avertit Krukenberg :
— Il faut éviter de nous diriger maintenant vers Standemin, que les Russes doivent déjà occuper. La seule solution sera de suivre encore la Persante.
— Dépêchons-nous avant le lever du jour.
Un épais brouillard dessine, dans une clarté glaciale et laiteuse, les sinuosités du gros cours d'eau qui sert d'axe de marche. Le bataillon Fernet poursuit sa route, laissant Boissin derrière lui.
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Peu avant le lever du jour, le commandeur de la division Charlemagne décide de quitter les routes et de s'enfoncer sous les couverts.
— Tout le monde dans les bois ! ordonne Krukenberg. Aussitôt leurs hommes à l'abri des arbres, les gradés font disposer
des postes de surveillance, tandis que les soldats, harassés de fatigue par une journée de combat et une nuit de marche, se laissent tomber par terre. Ils s'écroulent littéralement de sommeil. Mais ils ne peuvent dormir. Il fait trop froid. La neige cingle à gros flocons. Le vent ne cesse pas de siffler et perce les vêtements en loques des SS français. Ils claquent des dents, battent la semelle, se donnent de grandes bourrades pour se réchauffer un peu. Le bataillon semble soudain figé par le froid. Des nuages glacés se forment devant la bouche et le nez quand les hommes respirent.
Il va bientôt faire jour. Il est impossible de continuer d'emprunter les routes, désormais entre les mains des troupes loviétiques,  La marche va reprendre à travers bois. Mais auparavant, il faut se reposer quelques heures, à l'abri des couverts.
L'Ostuf Fernet qui commande le bataillon n'a que vingt-cinq ans. Mais il a déjà été blessé deux fois au feu. En 1940 en se battant contre les Allemands et en 1944 en luttant contre les Russes. Engagé dans la Waffen SS pendant l'été 1943, il a commandé une compagnie de la Sturmbrigade dès sa sortie de la Junkerschule de Bad Tôlz. Il l'a menée au combat sur le front des Carpates avec une efficacité et une énergie qui font de lui un des meilleurs officiers de la division Charlemagne, conscient jusqu'au fanatisme de sa qualité de « soldat politique ». A l'aube de ce tragique 5 mars 1945, Fernet peut être satisfait de la discipline de ses hommes. Ses consignes ont'été rigoureusement respectées lors de cette marche de nuit qui a permis de gagner la forêt au sud de Belgard. Ses hommes ont progressé dans un silence absolu, tels des fantômes glissant sur les chemins enneigés.
Pendant cette pause, personne n'allume une cigarette et les gradés donnent encore leurs ordres à voix basse. Il faut se compter, regrouper les unités, obliger les hommes à se débarrasser de tout ce qui n'est pas indispensable. Une fois encore, ils s'allègent et ne gardent strictement que les munitions et les vivres.
Le froid, avec l'aube' grise, devient épouvantable. Les arbres sont couverts de neige et parfois une rafale de vent agite les branches. Les SS français tapis sous les couverts reçoivent de brusques douches glacées. Fernet se secoue, essuie soigneusement les verres de ses lunettes à fine monture d'écaillé et remonte le col de son imperméable : des gouttes lui coulent dans le cou.
— Il faut envoyer des patrouilles, dit-il à son adjoint Labourdette qui ne l'a pas quitté d'un mètre depuis le départ de Redlin.
Rapidement et silencieusement, quelques petits groupes de SS français vont reconnaître les sentiers et les couverts de la forêt. Les Russes tiennent uniquement les routes et les villages. Il semble encore possible de leur échapper. Quelques paysans signalent les points occupés par l'Armée rouge.
Le Brigadefiihrer, enfermé dans son long manteau de cuir gris, regarde la carte avec un air attentif et cherche l'itinéraire le plus praticable pour gagner Greifenberg à travers le pays tenu par l'adversaire. Soudain, il se tourne vers son adjoint Zimmermann :
— Faites appeler Jauss et Fernet.
L'Allemand et le Français arrivent rapidement. Krukenberg les toise entre ses paupières plissées. Il aime que les officiers gardent en toute circonstance une allure rigide. Fernet et Jauss esemblent aussi nets que sur le terrain de manœuvres lors de l'entraînement à Wildflecken. L'Estonie pour l'un et la Galicie pour l'autre les ont habitués à affronter calmement les situations les plus difficiles.
— Les civils nous assurent, dit Krukenberg, que les routes de grande communication et même les chemins forestiers sont sillonnés par des patrouilles de cavaliers russes. L'ennemi occupe le nœud routier de Standemin et nous barre la route de l'ouest.
Le commandeur de la division Charlemagne poursuit, après avoir indiqué la situation sur la carte :
— C'est la nuit que nous avons le plus de chances de pouvoir passer. Le jour, il faudra se cacher dans les forêts.
— Sans doute, Brigadefùhrer, répond Fernet, à condition de ne pas rester immobiles une journée entière par le froid qu'il fait. Les hommes ne pourraient plus repartir.
Dissimulés sous les arbres, à moitié recouverts par la neige, les SS français semblent peu à peu se dissoudre dans le paysage. S'ils restent jusqu'à ce soir immobiles, la plupart auront des membres gelés.
— Et puis... ajoute Fernet.
— ... Et puis, quoi ? coupe Krukenberg en levant les sourcils.
— Je crois, Brigadefùhrer, que nous n'avons pas une seule demi journée à perdre, si nous voulons rejoindre les lignes allemande», Il faut profiter du désordre qui suit l'avance russe. Désormais, Le temps travaille contre nous.
— Je pense que vous avez raison, conclut Krukenberg.
D'un geste, il indique que la brève conférence d'état-major < ,i terminée.
Le jour est maintenant levé. Mais le brouillard a succède .1 11 nuit. Quand il se dissipe, les SS français du bataillon Fernet, tipll sur les lisières de la forêt, vont assister au massacre de leurs cftffll
rades du régiment de réserve de la division Charlemagne, sans |.....
voir porter secours à ceux qui se sont si imprudemment avan..-. dans la plaine de Belgard .(6)
A 9 heures du matin, le 5 mars 1945, le bataillon Fernet reprend sa marche pour s'éloigner de Belgard et échapper aux troupes russes. Les SS français avancent à travers une vaste forêt qui s'étend vers l'ouest. Les sentiers ne sont pas indiqués sur la carte et il faut souvent progresser à la boussole. Fernet marche en tête de son bataillon et oriente toute la colonne qui le suit rapidement. Tout ce qui pourrait retarder la longue marche vers l'Oder a été enterré OU détruit.
Krukenberg a précisé, une fois pour toutes, sa seule idée de manœuvre :
— Il faut d'abord sauver les hommes.
Maintenant que la division qu'il a conduite au feu se trouve démantelée et incapable de s'opposer à la ruée russe vers la Baltique ci l'Oder, il ne reste plus à son commandeur qu'à protéger le dernier capital des SS français : leur propre vie. Car les survivants seront appelés à d'autres combats.
Les hommes, équipés d'armes légères, ne se sont chargés que de cartouches et de grenades.
— Achtung !
Les éclaireurs se sont immobilisés sur les lisières de la forêt. Devant eux, une route. Les voies de communication, sillonnées par les Russes, représentent le plus grand danger : des blindés et des camions soviétiques peuvent surgir d'un instant à l'autre.
l'omet vérifie sur sa carte et annonce à Krukenberg :
- C'est la route de Rambin à Belgard. Elle est certainement gardée.
I )es patrouilles confirment aussitôt l'existence de postes fixes de muvcillance établis par les Soviétiques: toute tentative de franchissement provoquera un accrochage et la colonne va se trouver repérée.
- Il faut faire un détour, décide aussitôt Krukenberg. Nous trou-vetoiis peut-être un passage plus loin.
Les SS français s'enfoncent à nouveau sous les couverts. Les hommes progressent silencieusement, faisant totalement confiance à leurs chefs pour les sortir de ce piège. La discipline légendaire de lu Stuiiiibrigacle Frankreich, acquise dès l'Ausbildungslager de Senn-hï im, joue à fond. Au Ier bataillon, personne ne se pose de questions. Oïl m.m lie, on obéit, on se bat.
— Pour le moment, dit Fernet, il ne faut pas se laisser accrocher. On se battra plus tard... "f^
Les éclaireurs finissent par découvrir une portion de route qui échappe à la surveillance des petits postes russes. Des mitrailleuses sont mises en batterie dans les fossés, pour protéger le passage. Les hommes, les uns après les autres, franchissent la route d'un bond et se dissimulent à nouveau à l'abri des couverts. Et ils reprennent la longue marche vers l'ouest.
La colonne avance dans un silence total, comme étouffée par la neige et la forêt. On n'entend pas un murmure. On ne voit pas une cigarette. Il n'y a pas une seule gamelle pour cogner contre un seul fourreau de baïonnette. Les rescapés manœuvrent comme à l'exercice, avec l'enchaînement implacable des gestes silencieux et efficaces.
Ils ont faim. Mais depuis des mois et des mois, ils sont habitués à marcher le ventre creux. Ils mâchonnent quelques croûtes de pain, conservées au fond de leurs poches, avec deux ou trois morceaux de sucre. Il faut s'alléger pour vivre. Le poids est l'ennemi de la rapidité. Sauver sa peau pour la remettre en jeu. Plus tard. Pour le moment, une seule hantise : ne pas tomber aux mains des Russes. Un SS prisonnier perd sa raison d'être, de vivre. Marcher encore. Ne pas se retourner. Ne pas penser à leurs camarades disparus dans la plaine de Belgard, entre Zarnefanz, Ristow et Boissin, pour n'avoir pas observé les lois impitoyables de la prudence, de la vitesse et du silence.
*
L'Ostuf Fernet presse encore la cadence. Ses hommes s'enfonceni dans la forêt comme dans un océan. Les sapins vert sombre Les recouvrent comme des vagues. Un vent glacial siffle dans les hautes branches. La neige tombe encore un peu. Cette journée du 5 mars 1945 sera longue, longue, longue. Il faut marcher.

2.
Dans l'après-midi du 5 mars 1945, les éclaireurs du 1er bataillon de marche se trouvent brusquement en face de quelques hommes qui viennent à leur rencontre. Claquement sec des culasses. On se dissimule de part et d'autre derrière les troncs des arbres, le doigt sur la détente. Mais les nouveaux venus portent le casque d'acier des forces armées du Reich :
— Waffen Grenadier division der SS Charlemagne, crie une voix en face.
— Charlemagne ! Ça alors... Nous aussi ! Quelle unité ?
— Section de transmissions du régiment 58.
— Nous sommes du 1er bataillon de marche.
Un gradé s'avance. C'est l'Ustuf Laune, un ancien officier de marine, qui explique aussitôt à son camarade Fernet :
— Je me trouvais avec le gros de la division ce matin, quand nous sommes passés près de Belgard. Il y avait un brouillard comme je n'en ai jamais vu, même en mer.
— Je sais, dit Fernet. Je me trouvais dans le secteur, un peu plus loin que vous vers le sud-est.
— Soudain, poursuit Laune, le brouillard s'est levé. Les Russes nous sont tombés dessus de partout. Un vrai massacre. Les canons, les chars, les fantassins. En quelques minutes le régiment de réserve de la division Charlemagne a cessé d'exister...
L'Ostuf Fernet se rappelle le combat auquel ses hommes et lui-même ont assisté de loin, en début de matinée. Ces soldats qui se sont  ainsi volatilisés sous les coups de l'ennemi étaient bien ses camarades de la division.
J'ai réussi à m'en tirer  , poursuit  Laune. Ne me demandez............
1.  Division Charlemagne, Fayard, 1974, pages 429-437.

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